NEBRASKA



"Il y a ici toutes sortes de choses. J'ai mis tout ce dont, je pense, il serait bon pour toi que tu écoutes. J'ai encore laissé de côté entre cinq et sept choses que je n'avais pas finies ou sur lesquelles je voulais vraiment que le groupe travaille. Beaucoup de chansons peuvent avoir besoin de modifications, de changements de paroles, d'arrangements différents. Certaines vont véritablement fonctionner, d'autres auront peut-être besoin d'être laissées de côté, mais sur chacune, j'ai aimé quelque chose, je les ai donc incluses. J'ai beaucoup d'idées mais je ne suis pas vraiment sûr de la direction que je prends. Je suppose que la seule chose que je recherchais, dans ces chansons, c'était qu'elles m'ouvrent, d'une certaine et modeste façon, à un nouvel horizon. Ce n'est pas le cas avec toutes, sur certaines, je me suis tout simplement lâché, mais je pense que pour d'autres, j'y suis arrivé, ou tout du moins j'ai essayé. Elles peuvent ne pas toutes te toucher immédiatement, ou elles peuvent te sembler assez étrange à l'écoute. Pour la plupart, elles ont été écrites - à l'exception de Bye Bye Johnny - entre la fin de la tournée, jusqu'à quelques jours avant Noël, en trois mois et demi environ. Alors, les voilà !" (Lettre de Bruce Springsteen à Jon Landau accompagnée de la cassette de l'album)


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Bruce Springsteen chant, guitare, mandoline, harmonica, glockenspiel

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Produit par Bruce Springsteen
Enregistré entre le 17 décembre 1981 et le 03 janvier 1982 - Thrill Hill East (Colt's Neck, NJ)
(My Father's House enregistré en mars-avril 1982 - Thrill Hill East (Colt's Neck, NJ)

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"J'ai commencé à travailler avec Bruce à partir de 1980, avec le mixage de l'album The River, et à partir de là, il m'a demandé de mixer certains concerts pour lui. Quelques temps après, Bruce a commencé à travailler sur ce qui deviendrait l'album Born In The U.S.A.

Au début du projet, Bruce est arrivé en studio avec une cassette et m'a dit, "J'ai ici quelques maquettes de chansons". Il m'a dit que certaines étaient des chansons rock, il voulait les enregistrer avec le groupe, mais d'autres étaient des titres plus calmes qui pourraient ne pas convenir au groupe au complet. 

A cette époque-là, il n'était pas habituel qu'un artiste entre en studio avec des chansons déjà enregistrées, et j'ai demandé à Bruce où il avait enregistré ces maquettes. Vers janvier 1982, il avait enrôlé son technicien guitare, Mike Batlan, et lui avait dit, "Trouve-moi un petit enregistreur - rien de trop sophistiqué, juste quelque chose pour que je puisse enregistrer plusieurs pistes". Mike est donc allé dans le magasin de musique du coin et le vendeur lui a vendu un Teac (Tascam) 144, un appareil qui venait de sortir depuis un an ou deux. C'était un enregistreur simple, direct - parfait pour ce que Bruce voulait faire. Mike a acheté ce PortaStudio, une paire de micros SM57 et deux pieds de micro.

Bruce vivait dans une maison à Long Branch, NJ et il a demandé à Mike de tout installer dans une chambre. Mike s'occupait de guitares, et il n'était pas familier avec ce matériel avant que Bruce ne décide d'enregistrer. Il s'occupait des niveaux et il a essayé de s'assurer que les aiguilles ne montent pas trop dans le rouge. Il a peut-être écouté brièvement le son au casque, mais Bruce avait envie de continuer, donc je ne crois pas qu'il soit allé au-delà des réglages basiques. En fait, sur les premières chansons qu'ils ont enregistrées, vous pouvez entendre un peu de distorsion pendant que Mike ajuste les niveaux. 

L'enregistrement de l'album
Born In The U.S.A. est allé beaucoup plus vite que Bruce l'avait imaginé. Le groupe tournait ensemble depuis plusieurs années et il était très compact, même après quelques mois sans jouer ensemble. Les chansons ont été assemblées rapidement. Me concernant, j'étais ingénieur à Los Angeles et j'étais habitué à travailler vite, le mixage s'est donc fait rapidement. Bruce s'était habitué à passer des mois sur un album, il était donc un peu surpris - c'était la troisième ou quatrième semaine et nous faisions déjà le mixage. A partir de là, il a décidé que nous devrions commencer à travailler sur d'autres chansons, plus acoustiques.

Nous avons donc considéré ces maquettes d'une manière complètement différente. Il imaginait que Max (Weinberg) jouerait quelques légères percussions sur certaines chansons, ou Roy (Bittan) peut-être quelques nappes de synthétiseur, mais il s'agissait de chansons qui n'auraient pas collé avec le E Street Band au complet. Nous avons essayé quelques prises sur plusieurs jours, mais Bruce répétait que le résultat ne convenait pas. Il continuait de montrer sa cassette et de dire "Je veux que le son soit comme celui-là". 

Au fil de notre enregistrement, j'ai commencé à découvrir quelques détails intéressants sur le processus d'enregistrement de la cassette. Il se trouve qu'ils avaient mixé ces chansons avec une vieille Gibson Echoplex. Il semblait également que pendant l'enregistrement, Mike ne s'était jamais demandé à quoi servait le petit bouton rond à côté des touches, et il l'avait laissé sur la position 2. Ils ont donc fini par tout enregistrer à une vitesse plus rapide que la normale. Puis, il s'est dit qu'il ne devrait peut-être pas resté dans cette position, il l'a donc remis à niveau pour le mixage.

Et puis il y avait le lecteur pour le mixage. Il se trouve qu'ils ont mixé avec le seul autre appareil disponible qui avait une connexion d'entrée, qui était un vieux lecteur Panasonic, avec sa propre histoire. Bruce avait un canoé qu'il aimait sortir dans la rivière qui coulait près de chez lui. Et l'été précédent, durant une de ses sorties, le lecteur était tombé à l'eau et avait coulé dans la boue. Lorsque la marée est partie, il est allé le récupérer, l'a ramené chez lui, a enlevé la boue, et l'a laissé pour mort sur le porche. Une semaine plus tard, il était assis sur le porche en train de lire le journal, lorsque le lecteur est revenu à la vie d'un coup d'un seul.   

Nous sommes donc au mois de janvier suivant, et ayant oublié cet épisode, c'est l'appareil qu'ils ont utilisé pour le mixage. Je dois dire que ni Bruce, ni Mike n'étaient familiers du concept de nettoyage des têtes ou de l'alignement, donc les têtes du lecteur, le PortaStudio et l'Echoplex n'ont jamais été nettoyés.

Du mois de janvier, où ils ont mixé ces maquettes jusqu'au mois d'avril, Bruce se promenait avec la seule copie de ces enregistrements constamment dans la poche avant de son jeans. Et c'était la cassette qu'il nous montrait en studio et il disait, "Il y a quelque chose dans l'atmosphère de cette cassette. On ne pourrait pas partir de ce master ?"

Évidemment, vous pouviez entendre râler tous les ingénieurs qui étaient dans la pièce. Nous étions tous formés pour obtenir le meilleur son possible avec le meilleur équipement, et voilà que notre artiste nous demandait d'aller dans la direction opposée d'à peu près tout ce que nous savions. Et j'ai dit à Bruce, "Oui, nous pouvons le faire. Je ne suis pas certain que tu aimeras, mais nous pouvons essayer". J'aurais pu dire non, lui dire que le son n'était pas assez bon pour un master, mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Nous travaillons au service de l'artiste, et nous sommes là pour l'aider à mettre en forme sa vision, même si elle va à l'encontre de toutes les règles de l'enregistrement. Je suppose que c'est la raison pour laquelle je continue à travailler pour Bruce après toutes ces années. 

J'ai donc donné la cassette à un assistant et lui ai demandé d'en faire une copie de meilleure qualité. Puis nous sommes allés voir quatre ou cinq studios de mastering, mais aucun d'eux ne pouvait obtenir un gravage - il y avait trop de décalages et autres étranges caractéristiques sonores, l'aiguille ne faisait que sauter les sillons. Nous sommes allés voir Bob Ludwig, et Steve Marcussen chez Precision, Sterling Sound, CBS. Nous avons finalement terminé chez Atlantic à New York, et Dennis King a essayé une fois et n'a pas réussi à en faire un disque. Nous lui avons demandé d'essayer une technique différente, à savoir la graver sur disque à un niveau bien plus bas, et le résultat semblait fonctionner. Au final, nous avons réussi avec le studio de mastering de Bob Ludwig et ses égaliseurs, mais avec les paramètres de Dennis. Et c'est ce master que nous avons utilisé.
  
L'album sonne de cette façon-là grâce à tous ces paramètres - les multiples cassettes, les têtes sales, la vitesse - tout se combine pour créer une atmosphère générale, et c'est en partie ce qu'aimait Bruce avec ces chansons-là. Au final, il a été capable de coucher ses idées sur cassette, dans son propre environnement, grâce au PortaStudio et une paire de micros, et c'est l'équipement dont il avait besoin pour obtenir le son qu'il cherchait
" (Toby Scott, Tascam.com, 25.07.2007)


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